top of page

La belle et la bête de la plage (conte merveilleux)

 

"Ses pieds avaient laissé des traces sur le sable, ses empreintes graciles formaient une ligne sinueuse qui s’étalait comme une couleuvre agonisante sur le long du rivage et qui se perdait dans l'horizon faussement brumeux. Une idée m'est spontanément venue de récupérer ces émanations de la belle, de les faire miennes. Aussitôt je mis toute mon attention et mon art improvisé de  la mimique à reproduire chacun de ses pas, chacune de ses empreintes en y apposant mon pied dessus dans un élan fusionnel du masculin et du féminin, de l'organique et du minéral, du passé et du présent. L’opération qui avait commencé comme un simple amusement irréfléchi prit tout de suite des airs de délire obsessionnel qui allait se dégrader en un grotesque simiesque tant les gestes étaient atrocement répétitifs et exempts de toute grâce alors que l'effort demandé allait crescendo au fur et a mesure que les empreintes se succédaient et que les distances entre elles allaient grandissant implacablement et indéfiniment. La situation devenait de plus en plus rébarbative et insoutenable mais cette étrange obsession de continuer, cette quête de je ne sais quoi l'emportait sur tout le reste comme si mon corps était possédé et manipulé par une entité indescriptible. Soudain tout s’arrêta net comme si le temps et l'espace s’étaient figés, plus d'empreintes, plus de traces, plus de pas... et l’horizon qui continuait impassiblement son petit bonhomme de chemin vers l'infini faisant fi de tout ce vacarme silencieux provoqué par mes délires. Devant cette soudaine frustration, aussi affligeante qu'un orgasme inassouvi, je levai instinctivement les yeux vers le ciel, non pas pour implorer une délivrance mais dans l’espoir de trouver une continuité brusquement perdue, brusquement brisée... rien. Je regardai à droite vers les dunes, a gauche vers les flots encore et toujours rien, le mystère était total et le vide, angoissant; quand soudain une étrange sensation, quelque part entre le frisson et le toucher sensuel, entre l’épidermique et le surnaturel, me parcourut l’épine dorsale comme un chatouillement plaisant mais tranchant; je regardai en arrière dans un brusque pivotement de tête qui dura une éternité; elle était là, derrière moi...elle suivait mes pas"

Unknown Track - Unknown Artist
00:0000:00
bottom of page